Stéphane
- jacques909
- 11 sept. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 nov. 2024

Stéphane est le cadet des trois enfants d’Hermence, qui a été mon épouse durant 15 ans. Pascal et Joël sont les aînés. Nous avons vécu ensemble durant quelques années dans un grand appartement à Bienne, pendant lesquelles Pascal a fait un apprentissage de commerce et Joël de cuisinier. Stéphane étant le plus jeune, il est resté plus longtemps vivre avec nous et nous a suivis quand nous avons déménagé à Twann. Après avoir fait un apprentissage de dessinateur architecte, il a volé de ses propres ailes et nous sommes restés seuls Hermence et moi durant quelques années avant notre divorce.
C’est donc Stéphane que j’ai connu le mieux et que j’ai contribué à élever durant plusieurs années. Il est malheureusement décédé bien trop tôt, à l’âge de 60 ans, c’est pourquoi je lui consacre cet article.
Il y avait déjà pas mal d’années que sa santé était mauvaise et qu’il avait failli mourir, sauver momentanément par un médicament très onéreux qui, je crois, était en période d’expérimentation. Depuis lors, il avait choisi une vie très réglée, surveillant sa nourriture de manière rigoureuse, qu’il préparait lui-même. Il avait trouvé son équilibre, entre son travail dans l’équipe du théâtre de Bienne/Soleure, sa fille Lina et son petit-fils Sohan.
Mais voilà, la maladie l’a rattrapé et l’inéluctable est arrivé. Il est décédé le 29 octobre 2023. Un très bel hommage lui a été rendu, organisé par l’équipe du théâtre et sa fille Lina, à Bienne. A cette occasion, je lui ai adressé un message que je reproduis ici :
« Quand j’ai connu Stéphane, il avait huit ans. Je commençais à fréquenter sa maman. Il pleurait tous les soirs, à fendre l’âme. Il pleurait l’absence de son papa.
Plus tard, quand nous avons emménagé au Waldrain à Bienne, avec ses frères et sa maman, je crois pouvoir dire qu’il allait mieux. C’était un garçon gentil, agréable à vivre. Je me souviens que ça lui arrivait de nous porter le déjeuner au lit, quand, le dimanche, nous faisions la grasse matinée. Je pense que nous avons passé de belles années ensemble avec ses frères, à cette époque. Il voulait devenir dessinateur-architecte, comme son oncle Riquet. Il a bien réussi son apprentissage, mais son truc, sa passion, c’était le rock. Je l’ai vu et entendu chanter avec son groupe. Il était bon, même très bon. C’était vraiment un rockeur. Pas de concession avec la normalité. Il n’a jamais voulu passer son permis de conduire. Pas pour des raisons écologiques, mais c’est inutile, disait-il. Il a refusé de faire son service militaire, pas par objection de conscience, mais par principe et contre l’ordre établi. Il était un peu à la marge, libre dans sa tête et droit dans ses bottes. C’est à ce moment-là qu’il y a eu une longue éclipse entre nous. Je ne le comprenais pas. Il a fait sa vie de rockeur, intense, pleine de risque (il en a payé le prix avec ses terribles ennuis de santé) et aussi de bonheur, comme ces 6 mois passés à Los Angeles où il s’éclatait avec des groupes de là-bas en donnant des concerts. C’est ce que j’ai appris de lui dernièrement. De mon côté, des déménagements, une nouvelle épouse et la vie qui passe. Et un jour, plutôt un soir, il y a déjà plusieurs années, un très bon moment passé ensemble chez lui, avec Gerlinde, Madeleine, Arlette, Lina et sa maman. Il nous avait concocté une délicieuse choucroute, car il était aussi excellent cuisinier. C’étaient les retrouvailles. Depuis, on se voyait de loin en loin pour de courts moments. Il avait trouvé sa voie professionnelle en intégrant l’équipe du théâtre de Bienne/Soleure. Il était ravi. Lina est venue chez nous en Espagne. On s’envoyait des messages pour Noël ou les anniversaires. Et il y a trois mois, il est venu chez nous, avec Lina et son Boubou, comme il disait de Sohan, son petit-fils qu’il adorait, et qu’il ne verra malheureusement pas grandir. Ce fut une révélation : J’ai trouvé un homme, qui malgré ses ennuis de santé, était bien dans sa tête : sa vision de la vie, sa lucidité, son bon sens et la qualité de ses jugements m’ont impressionné. Il assumait pleinement la vie qu’il avait mené et ne regrettait rien, bien au contraire. Nous avons beaucoup parlé. J’ai découvert combien il avait apprécié son enfance et son adolescence ensemble, en famille. Je le remercie pour ce qu’il m’a dit et je suis heureux que l’on ait pu parler à cœur ouvert. C’est aujourd’hui, pour moi, une consolation, alors que nous sommes réunis aujourd’hui pour lui dire adieu.
Comme Gerlinde, mon épouse, le dit : notre vie est un fleuve qui avance et on laisse sur les berges, les parents, les amis qui s’en vont. C’est pourquoi, profitons maintenant de la vie. Disons à ceux qui nous sont chers, qu’on les aime avant qu’il ne soit trop tard. Heureusement, j’ai pu dire à Stéphane, je t’aime, avant qu’il s’en aille. Merci à toi, de tout mon coeur. »
Comme je l’écris ci-dessus, il est venu une semaine chez nous à Foixà en juillet 2023 avec sa fille Lina et son petit-fils Sohan. Il n’était pas en très bonne forme, mais pas pire que d’habitude, selon ses dires. C’est durant cette visite que nous avons pu parler, surtout lui, qui m’a dit des choses dont je ne m’attendais pas. En particulier que j’ai été celui qui lui a donné les bases pour la vie et qu’il m’en était reconnaissant. Il m’a aussi trouvé « cool » dans la manière de gérer le divorce avec sa mère.
Il m’a surpris par son fatalisme et son courage face à sa maladie. Comme je l’écris plus haut, il m’a impressionné. Heureusement que cette visite a eu lieu et que nous ayons pu parler sans filtre, car dans le fond, je ne le connaissais pas vraiment.

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